Madame Françoise Labarre-Maurice a passé tous les étés de sa jeunesse, de 8 à 20 ans (1923-35), à Baldwin's Mills, dans les divers chalets de son grand-père, Wilfrid Labarre, ancien propriétaire du magasin Dupuis et fils (45, rue Main ouest) à Coaticook. Ses souvenirs nous renseignent sur les peu nombreux chalets de l'époque.
L'arrivée à Baldwin's Mills se faisait par le chemin de Barnston. Il y avait le chemin de Barnston, le chemin de Stanhope, le chemin de Stanstead et tous ces chemins et les autres avaient comme adresse postale, R R. No 5. Ces chemins étaient en terre et de la largeur d'une travée de nos chemins actuels. À la hauteur de l'actuelle pisciculture (2469, chemin Baldwin-Barnston), il y a un sentier qui longe la rivière Niger jusqu'à Baldwin's Mills. C'est l'ancien chemin, qui était un peu plus large que le sentier actuel. Il menait à une côte d'une trentaine pieds de hauteur assez à pic. De nos jours, on passe par le pont du Chemin May (construit entre 1965 et 67). Dans le temps, monter la côte était la première aventure les autos s'y prenaient souvent. Et il y avait de nombreux trous dans les chemins. «On remplissait ces trous de grosses roches quand on savait que des gens viendraient nous voir, dit Mme Maurice. Et quand il pleuvait, tout cela était en boue et on s'amusait à courir très fort pour glisser et tomber dans les trous. Baldwin's, poursuit-elle, c'était la grande liberté. Maman nous faisait confiance. On faisait un petit ménage une fois la semaine! »
Wilfrid Labarre a commencé par acquérir 2 chalets de la faillite de Léon Caron, l'actuel 565 du Chemin des Chalets, en bardeaux bruns - il avait déjà appartenu à M. Pine, et l'autre à coté, en bardeaux noirs, à l'emplacement de l'actuel 571. C'est dans le premier que, de la fin juin à la fin août, France Beaulne-Labarre et ses 3 filles, Françoise, Gabrielle, et Jacqueline passaient leurs étés. «Maman, dit Mme Labarre, couchait avec un révolver à cause des trafiquants de boisson. Mon grand-père venait les fins de semaine et mon père les lundis. Dans le chalet noir à coté, il y eut d'abord les frères du Sacré-Cœur, puis Mlle Rhéaume qui l'acheta. Elle le loua par la suite à son frère de Montréal, le futur juge Rhéaume. Celui-ci avait 2 enfants : Pauline, plus vieille que moi, et Jean, mon premier chum. C'est Monsieur Rhéaume qui nous a appris à nager. Au village, il y avait les Valade et les Cabana, et à l'emplacement de la maison d'Omer Madore (1181, chemin May), les scouts anglais de Coaticook venaient camper 2 semaines et faisaient des feux de camp.»
LE FUTUR CHEMIN DES CHALETS.
Madame Labarre est intarissable j'ai éveillé en elle le flot de ses souvenirs! «L'Hôtel Coté était fermé (l'actuel JBARC au 55 chemin Coté) (1). Tout près, il y avait le chalet de Madame Kendrick (213, chemin des Chalets), une dame de Stanstead que maman recevait à dîner et que nous les enfants, on appelait «la vieille fille aux dents de cire». Puis, il y avait le chalet des Verret où personne ne venait jamais et enfin la ferme de Seth Blake, l'actuelle maison de Louis-Rock Séguin au 386, chemin Séguin. C'est là qu'on allait chercher notre lait! «Uncle Seth» avait 2 nièces, Cassy et Miriam Mizo de Stanstead, avec qui on jouait quand elles venaient se promener. À l'actuel 1081, il y avait la grange et la maison de Levi Smith où vivait aussi sa sœur, garde Nettie Smith. C'est la maison du golf, mais elle était beaucoup plus près du chemin qu'aujourd’hui. Plus loin, poursuit-elle, c'était la ferme et la maison d'Hiram Bacon (1224) où il y avait un petit garçon avec un petit bras (2). Et plus loin encore, c'était la «poissonnière» de WG. Belknap (la première pisciculture de Baldwin's Mills, celle du haut du lac - 1331 à 1342 - ), où on allait chercher la glace pour la glacière. Enfin, tout près du Pinacle, il y avait les chalets de Mrs Mitchell «The Lodge» que mon beau-père, Adrien Maurice, devait acheter plus tard (3).»
«Notre premier chalet, dit Mme Maurice, était près du chemin. Entre le chemin et le chalet, il y avait une grosse roche. À gauche, c'était le bois, et à droite, le chalet noir. Entre le lac et le chalet, il y avait un grand champ de framboises. Maman nous disait : «allez chercher votre dessert»! On se baignait à la plage actuelle où il y avait beaucoup plus d'arbres qu'aujourd'hui, et que nous croyions avoir découverte. C'était beaucoup plus petit qu'aujourd'hui. Il y avait du beau sable. Et le seul autre endroit où il y en avait, c'était devant le chalet des Fontaine (284, chemin Allard). Partout ailleurs, c'était de la vase. Après la baignade, mes sœurs et moi, allions au magasin général nous acheter une «Sweet Mary». On jouait à la cachette dans le magasin de deux étages. WK. Baldwin, qui avait toujours un vieux mouchoir autour du cou, nous laissait faire. On s'éclairait à la lampe à l'huile et au fanal au naphta».
«Le dimanche, poursuit-elle, on allait à la messe à Corliss Mills. Le fermier Ducharme avait installé une chapelle au 2ème étage de sa maison à laquelle on pouvait accéder par un escalier extérieur (4). Je me souviens de la grosse voix rauque de M. Ducharme qui enterrait toutes les autres. L'abbé Horace Boulay de Dixville venait y célébrer la messe. Mais le premier vendredi du mois, il fallait revenir à Coaticook et maman en profitait pour faire 100 biscuits à la mélasse, et 100 biscuits à la crème sure.
LE FUTUR CHEMIN ALLARD.
«Vers 1930, mon grand-père vendit notre 1 er chalet à Mlle Rhéaume qui avait vendu le sien à son frère. Il s'en construisit un autre, un peu plus loin, au 585, chemin des Chalets. On était alimenté par l'eau de source de la montagne, et cette fois-ci, on avait une vraie toilette avec chasse d'eau dans la maison. Au rez-de chaussée, il y avait la toilette, la cuisine, et une grande pièce avec table, fauteuils et un gros piano, et à l'étage, un long corridor et 3 chambres à coucher. Ce chalet était très près du lac. Coté lac, il y avait une véranda avec moustiquaire où je couchais. Le soir, on pouvait porter une petite veste, mais je ne me souviens pas qu'on ait eu besoin de chauffer le chalet. Mon grand-père vendit du terrain à Pierre-Edmond Durocher qui se construisit un chalet.
LA GROTTE DU PINACLE.
«Quand les garçons venaient chez nous, dit Madame Maurice, ils campaient autour du chalet. Les Durocher avait un canot, et nous deux chaloupes. L'une servait pour la pêche : on allait au milieu du lac troller l'achigan à la mouche, et la truite, la perchaude et la barbotte aux vers. L'autre servait à la promenade : on y installait un gramophone portatif, et à chaque fin de semaine, mon grand-père nous apportaient des nouveaux disques. De la maison, on traversait le lac en chaloupe et on montait le Pinacle trois fois par semaine pour le redescendre en courant. Quelque fois Westley Bradley, qui avait une chaloupe à moteur, attachait la nôtre à la sienne pour traverser.
«Au pied du Pinacle, disait mon grand-père, on n'a jamais pu sonder la profondeur de l'eau. A mi-hauteur du Pinacle, un peu à gauche quand on le regarde de face, il y avait une caverne. Mon grand-père disait qu'autre fois on y avait fait de la fausse monnaie. Avec Westley, on y jouait aux cartes, sans oser s'aventurer plus au fond. Il y avait beaucoup de bleuets au sommet du Pinacle (8 ). Il y a 4 ans (à 85 ans), je suis remontée sur le Pinacle à la Fête des Mères avec mon fils Serge et sa compagne. Dans le temps, j'ai fait tout le tour du lac à pied. On allait au jardin poétique de Cecil Mead qui nous faisait des concerts de piano. Et quand le temps était clair, on entendait le train Montréal-Portland qui passait à Stanhope. Le soir, on allait prendre des grandes marches à la grosse noirceur en chantant très fort »!
Madame Maurice et ses soeurs cessèrent d'aller à Baldwin vers 1935, probablement parce qu'il y avait plus de choses à découvrir à Coaticook, Magog, et Sherbrooke. En fait, elles y venaient quelque fois l'hiver faire de la raquette sur le lac. Sur une photo, on la voit avec un groupe d'amis, Jean Normandin, Simone Dupuis, Lucille Durocher etc., au chalet des Durocher. C'est Isidore Villeneuve qui les amenait avec sa «snow-mobile». Madame Maurice n'a jamais oublié les bons souvenirs de sa jeunesse à Baldwin's . Vers 1952, avec ses jeunes enfants - François avait 4 ans - , elle passa 2 étés à l'ancien chalet de Mrs. Mitchell «The Lodge» (1441, ch. Des Chalets). «Les premiers gros mots anglais que j'ai appris pour crier quand j'étais fâchée sont : «Cry baby for a peanut»!
Notes
(1). La partie ancienne du JBARC a été construite en 1912 par WG. Belknap pour Jessie Le-Co Carter qui l'a vendue à Dannis J. Coté le 10 septembre 1940. Jessie Carter en 1940 était l'épouse de John E. Markwelh fermier de East Westmore. En 1950. à la mort de son frère Lemuel Markwell. John vivait à East Lebanon, N.Y.. Le site actuel de la plage appartenait aussi à Mrs Jessie Carter-Markwell. Elle le vendit le 3 juillet 1936 à H.F. Baldwin. Dans le Progrès de Coaticook du 22 août. 5 et 9 sept. 1957. on apprend que depuis plusieurs années H.F. Baldwin réserve cet espace de la plage pour l'usage du public, et qu'en 1957. la ville de Barnston lui a loué pour $1.- et qu'en septembre. la ville y entreprendra des travaux de réfection.
(2). En 1925, il y eut une épidémie de poliomyélite à Baldwin's. Merrick Belknap, né en 1922.. s'en est tiré avec une jambe un peu plus courte que l'autre. tandis que son ami Perry Bacon a dû vivre avec le bras gauche atrophié.
(3). « The Lodge » était un mini centre de villégiature pour riches américains, comprenant 4 bâtisses. la maison principale (au 1441, chemin des Chalets. propriété actuelle de Mme Sarah Preston ) . un petit chalet où on servait les repas (il a été déménagé et est actuellement situé au 1405 ) et 2 « cabines » pour dormir. C'est WG. Belknap qui a construit cela pour Mrs. W.S. Mitchell de New-York. La
saison durait du 1 er niai au 1 er septembre. « The Lodge » fonctionna de 1921 à 1933. Les clients arrivaient de New-York par train. Ils descendaient à Rock Island où les attendait WG. Belknap avec son auto « The Red Devil », une Rambler de 1907.
(4 ). C'est à l'emplacement de la propriété de Jasmin Lynch au 1926. ch. Baldwin-Barnston. La maison à cette époque était plus près de la rivière.
(5) . Le chanoine Arthur Sideleau aménagea un oratoire dans son chalet ( 597. ch. Maurais ) et le 26 août 1945, y fit la bénédiction d'une cloche.
(6). Cette expression « la tête du dinosaure » semble exister depuis une cinquantaine d'années.
(7). Albert E. Baldwin fût le président du « Lake Lester Fish And Gaine Club » fondé en 1900 par lui-même, WK. Baldwin. RH. Gooley, WG. Belknap et de nombreux autres hommes d'affaires de Rock Island. A une réunion du club tenue au chalet de M. Gooley en sept. 1905, il y avait 52 membres présents et il était question d'augmenter le nombre de membres de 75 à 100. Le chalet d'Albert Baldwin. construit par WG. Belknap. était le quartier général du club. Il fût déménagé un hiver sur la glace de l'autre côté du lac à l'actuel 293, ch. Des Chalets où on peut toujours l'admirer. On ignore quand?
(8) . Dans le Stanstead .Journal du 20 juin 1907. on peut lire qu'un feu de forêt a détruit 200 acres d'arbres sur le mont Barnston. Le Pinacle a-t-il été touché? On sait qu'après un feu de forêt il y a toujours beaucoup de bleuets à l'endroitravagé.